Des nouvelles des anciens : Jao-Eka « J’ai toujours eu la sensation d’être valorisé et d’avoir ma place dans cette petite société. »

« J’ai le souvenir de Mlle Roustin qui, pour une petite dame, en imposait beaucoup. Elle inspirait un calme et un respect communicatif. »

Aussi clair que cela me revient, j’ai l’impression d’avoir un souvenir très limpide de mes années passées à Emilie Brandt. J’y suis arrivé en 1986/87 dans l’école encore située deux rues plus loin. J’avais 2 ans et demi. A cette époque, il était possible d’être admis à l’école plus tôt pour les élèves nés en fin d’année. Ce n’était surement pas mon choix mais ce petit détail aura son importance pour toute la suite de mes études. J’ai donc le souvenir d’Emilie Brandt dans son ancien bâtiment. Deux cours séparées par un petit escalier et un jardin. Une école qui s’articulait autour d’un grand escalier et toutes les classes en enfilade.

J’ai le souvenir de Mlle Roustin qui, pour une petite dame, en imposait beaucoup. Elle inspirait un calme et un respect communicatif.

Je suis arrivé en petite section de maternelle et suis parti après la 7e (CM2). Tout au long de mon parcours je me souviens surtout de visages. Les visages de toutes les maîtresses, qu’on appelait les « madames ». Je me rappelle aussi étrangement de plein d’autres enfants qui n’étaient pas dans ma classe. Cette proximité avec tous les autres a été fondamentale pour moi. Il y avait une vraie notion d’égalité permanente, de respect, de tolérance. J’ai toujours eu la sensation d’être valorisé et d’avoir ma place dans cette petite société.

« Plus les années passaient à Emilie Brandt, plus je comprenais que ce que je vivais était plus que de l’école. »

Je me souviens qu’aller à l’école n’a jamais été difficile. Ça n’a jamais été une question en soi. Le plaisir d’être là pour faire des choses, pour apprendre, pour découvrir, pour être avec les autres était réel. Je me rappelle des classes vertes, des sorties, mais aussi des causeries qui rassemblaient toutes les classes pour parler de la vie scolaire ou de grands exposés. Je me souviens de chanter à l’unisson avec tout le monde. C’était formidable.

Plus les années passaient à Emilie Brandt, plus je comprenais que ce que je vivais était plus que de l’école. Les amis de famille, les autres enfants, ne vivaient pas les choses de la même manière. En plus de ne pas avoir de cartable (car à l’époque, on venait sans cartable).

Et en arrivant au collège, je l’ai senti encore un peu plus.

Mon début au collège a été plus discret. Et durant tout mon cycle secondaire, j’ai beaucoup plus eu l’impression d’être sur la retenue. J’avais à peu près confiance dans mes capacités et les notes ne me faisaient pas peur. J’étais autonome et appliqué mais j’ai été un peu plus bousculé par le fait de ne plus connaître tout le monde. Qui plus est, après avoir sauté la grande section de maternelle et être rentré à l’école à deux ans et demi, j’avais presque un an et demi de moins que les autres élèves. Sans compter les redoublants. Je me sentais un peu en décalage. Mais je savais me retrouver avec moi-même et les quelques amis que je me suis fait à cette époque, le sont encore aujourd’hui.

La tolérance, la méthodologie, la confiance en soi et la curiosité ont été les points clefs des acquis de ma scolarité à Emilie Brandt. Comprendre l’autre, ses différences, ses qualités. S’organiser, penser à tout, connaitre ses faiblesses. Être convaincu que son avis à une valeur et qu’il mérite d’être partagé et entendu, croire en soi et en ses rêves. Et se remettre en question, recommencer.

« … si je peux y aborder le cinéma avec la méthode Montessori, je deviendrais le pionnier que j’ai toujours rêvé d’être. »

Depuis le CP, je crois, j’ai voulu être astronaute, je dessinais beaucoup d’étoiles, de ciels, de fusées. J’ai poussé ce rêve jusqu’à la fac. Après un bac S, j’ai entamé des études scientifiques. Mais j’ai déchanté après une overdose de mathématiques. Il y avait un peu trop de chiffres dans ce rêve. Je me réoriente vers ma deuxième passion, le dessin. Beaucoup plus concluant. Je nourris alors ma passion et en plus d’avoir eu la chance d’entrer à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris (ENSAD), je rencontre beaucoup de gens qui m’ouvrent les yeux sur le monde du dessin et du cinéma. Je me spécialise dans le dessin animé, traditionnel et stop motion. Je réalise un premier film d’animation sur le racisme et la tolérance (https://youtu.be/cYsZOjTqK8s). Son succès me permet de voyager un peu partout dans le monde. Je travaille ensuite comme réalisateur de film d’animation autour de la vulgarisation scientifique, puis je pars vivre et travailler à Londres pour quelques mois.

Je rentre à Paris pour prendre un poste dans une grosse boite de post production. J’y deviens « Flame artiste » et « superviseur VFX » pour la publicité, le clip et le cinéma. Qu’est-ce que c’est ? C’est celui qui supervise l’équipe qui design et fabrique les effets spéciaux dans les films (qui va changer la couleur du ciel, rajouter les vaisseaux spatiaux, dessiner les aliens, etc…). Je travaille sur un très gros ordinateur qui permet de traduire mes idées, mes dessins en image réelle. Et la boucle est bouclée. Je retourne dans l’espace, mais d’une autre manière. C’est un métier clef dans le monde de l’image. Il n’y a pas vraiment d’école, on apprend sur le tas.

Dix ans après, je quitte cette grosse structure. Après avoir tourné à Hollywood, en Afrique, au Mexique, en Bulgarie, etc… Je décide de monter ma propre boite. Un studio de création où tout est possible ! Ce studio est mon nouveau terrain de jeu, si je peux y aborder le cinéma avec la méthode Montessori, je deviendrais le pionnier que j’ai toujours rêvé d’être.

Les fondamentaux que m’a inculqués l’école Emilie Brandt n’ont cessé de jalonner mes choix de vie. J’ai envie de crier aux jeunes élèves qu’ils ont de la chance d’être là de profiter de tous les instants passés entourés de gens qui aspirent à leur bien être. Ma sœur et mon cousin ont aussi fait leur scolarité à EB et je me suis toujours dit que si j’avais des enfants un jour, ils iraient à EB. Et bien c’est chose faite, et je suis convaincu et ravi de voir ma fille s’épanouir comme j’ai pu l’être à son âge. Mon conseil, rêvez et parlez de vos rêves, ils sont tous valables !

Propos recueillis par Alexandra Landais